Les femmes qui se comportent bien marquent rarement l'histoire
Présentation
Partir seule avec son sac sur le dos, tout quitter sans se retourner, qui n’en a pas déjà rêvé ? L’auteur de ce roman autobiographique l’a fait. Plus d’argent, plus de travail, plus de possessions, plus rien n’y personne à quoi se raccrocher, plus aucune sécurité. Elle a quitté la France pour se rendre en Équateur, en forêt amazonienne, à la rencontre d’un chamane shuar. Un besoin de clore sa vie passée pour en débuter une nouvelle, plus libre, plus créative, plus lumineuse. En quête d’elle-même, épuisée par le décalage de ce qu’elle perçoit et de ce que la société veut lui imposer, elle n’a plus rien à perdre et tout à gagner. Son périple durera un mois, un mois pendant lequel elle va réapprendre à faire confiance au mouvement perpétuel de la Vie. Un récit profond teinté d’une pointe d’humour car il est si important de ne pas tant se prendre au sérieux.
Extrait
Ramon et Abelardo se parlent et je crois comprendre que mon chamane invite son ami à procéder à l’appel des Esprits. Le vieil uwishin le remercie de cet honneur, il se tourne vers la cascade et se met à siffler. Il appelle, il parle et siffle encore. Je me dis en souriant que les Esprits shuars doivent être un peu sourds car Abelardo crie presque lorsqu’il s’adresse à eux, mais je sais qu’il faut que sa voix couvre le bruit de la chute. Puis les deux chamanes se déshabillent et Ramon me fait signe d’en faire autant. Je me retrouve donc en bikini entre les deux petits Shuars eux-mêmes en bermuda de bain. La température de l’air est d’une tiédeur agréable. J’ignore quoi faire et comme s’ils s’étaient donné le mot – ils l’ont peut-être fait d’ailleurs – les deux hommes se tournent vers moi en souriant. Ramon est à ma gauche et il me présente sa main droite, Abelardo est à ma droite et il me présente sa main gauche. Mains dans les mains, nous avançons tous trois et pénétrons lentement dans le bassin. Les pierres sous mes pieds sont glissantes et l’eau est plutôt fraîche. Nous sommes maintenant au milieu de la piscine naturelle, l’eau arrive juste sous ma poitrine tandis que mes compagnons Shuars n’ont plus que la tête qui dépasse. Nous formons un petit cercle dans l’eau et Ramon me tend alors une feuille de tabac. Il en donne une à Abelardo et il en prend une pour lui. Les deux chamanes mettent la feuille dans leur bouche, je les imite et nous mâchons. Puis n’ayant reçu aucune autre indication, après un moment, je l’avale. Les deux hommes reprennent mes mains dans les leurs et m’entraînent au pied de la cascade. Le bruit est assourdissant, la température est encore plus fraîche et l’eau qui m’éclabousse me glace. Je n’ai absolument pas l’intention de faire un pas de plus en avant. Ramon reste à côté de moi tandis que le vieil uwishin avance encore, se met carrément sous la chute et plaque le devant de son corps contre le rocher. Ramon me regarde, tout sourire :
– Viens Maria, viens avec moi.
Je ne lui dis pas verbalement que non, je n’irai pas avec lui et que son magnifique sourire ne me fera absolument pas changer d’avis, mais tout mon corps parle pour moi. Alors même que je crois être fermement ancrée dans le sol, déterminée à ne pas bouger si ce n’est pour faire demi-tour, le petit chamane serre ma main dans la sienne et avance d’un pas décidé pour se plaquer contre le rocher, l’eau glacée lui tombant sur la tête et le dos. Et moi, bien évidemment, je suis à côté de lui et je hurle ma douleur car oui, la puissance de ce qui me tombe dessus me fait atrocement mal. Par réflexe, je tente de faire un pas en arrière et je sens alors une minuscule main qui se plaque au milieu de mon dos au niveau de mes premières vertèbres dorsales. Je suis tétanisée, incapable de bouger. Mon front est appuyé sur le rocher, mon diaphragme se bloque, ma respiration se coupe, je ne ressens plus aucune émotion, je n’ai plus aucune pensée, je suis en mode survie. Je tente une dernière fois de me débattre mais la main me maintient toujours sous la chute et j’entends alors la voix douce de Ramon :
– Lâche Maria, lâche.
Ramon et Abelardo se parlent et je crois comprendre que mon chamane invite son ami à procéder à l’appel des Esprits. Le vieil uwishin le remercie de cet honneur, il se tourne vers la cascade et se met à siffler. Il appelle, il parle et siffle encore. Je me dis en souriant que les Esprits shuars doivent être un peu sourds car Abelardo crie presque lorsqu’il s’adresse à eux, mais je sais qu’il faut que sa voix couvre le bruit de la chute. Puis les deux chamanes se déshabillent et Ramon me fait signe d’en faire autant. Je me retrouve donc en bikini entre les deux petits Shuars eux-mêmes en bermuda de bain. La température de l’air est d’une tiédeur agréable. J’ignore quoi faire et comme s’ils s’étaient donné le mot – ils l’ont peut-être fait d’ailleurs – les deux hommes se tournent vers moi en souriant. Ramon est à ma gauche et il me présente sa main droite, Abelardo est à ma droite et il me présente sa main gauche. Mains dans les mains, nous avançons tous trois et pénétrons lentement dans le bassin. Les pierres sous mes pieds sont glissantes et l’eau est plutôt fraîche. Nous sommes maintenant au milieu de la piscine naturelle, l’eau arrive juste sous ma poitrine tandis que mes compagnons Shuars n’ont plus que la tête qui dépasse. Nous formons un petit cercle dans l’eau et Ramon me tend alors une feuille de tabac. Il en donne une à Abelardo et il en prend une pour lui. Les deux chamanes mettent la feuille dans leur bouche, je les imite et nous mâchons. Puis n’ayant reçu aucune autre indication, après un moment, je l’avale. Les deux hommes reprennent mes mains dans les leurs et m’entraînent au pied de la cascade. Le bruit est assourdissant, la température est encore plus fraîche et l’eau qui m’éclabousse me glace. Je n’ai absolument pas l’intention de faire un pas de plus en avant. Ramon reste à côté de moi tandis que le vieil uwishin avance encore, se met carrément sous la chute et plaque le devant de son corps contre le rocher. Ramon me regarde, tout sourire :
– Viens Maria, viens avec moi.
Je ne lui dis pas verbalement que non, je n’irai pas avec lui et que son magnifique sourire ne me fera absolument pas changer d’avis, mais tout mon corps parle pour moi. Alors même que je crois être fermement ancrée dans le sol, déterminée à ne pas bouger si ce n’est pour faire demi-tour, le petit chamane serre ma main dans la sienne et avance d’un pas décidé pour se plaquer contre le rocher, l’eau glacée lui tombant sur la tête et le dos. Et moi, bien évidemment, je suis à côté de lui et je hurle ma douleur car oui, la puissance de ce qui me tombe dessus me fait atrocement mal. Par réflexe, je tente de faire un pas en arrière et je sens alors une minuscule main qui se plaque au milieu de mon dos au niveau de mes premières vertèbres dorsales. Je suis tétanisée, incapable de bouger. Mon front est appuyé sur le rocher, mon diaphragme se bloque, ma respiration se coupe, je ne ressens plus aucune émotion, je n’ai plus aucune pensée, je suis en mode survie. Je tente une dernière fois de me débattre mais la main me maintient toujours sous la chute et j’entends alors la voix douce de Ramon :
– Lâche Maria, lâche.